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Twitter devient un système de recommandation pour la Social TV

Chaque semaine, plus d’un million de tweets concernant des émissions de télévision françaises sont publié sur le réseau social. Il est rare de pouvoir constater aussi aisément l’enrichissement mutuel de deux médias à un tel point. Certes, Marshall Mc Luhan nous avait mis en garde à la fin des années 60 en énonçant que « Le contenu d’un nouveau médium est généralement un médium plus ancien : le contenu de l’écriture est la parole ; celui de l’imprimerie, l’écriture ; celui du télégraphe, l’imprimerie ; celui du cinéma, le roman et celui de la télévision, le film ». Néanmoins, après une phase de questionnement et d’hésitation de la part des maisons de production établies, on observe aujourd’hui une claire adoption du réseau social, non seulement comme un moyen de promotion des contenus, mais comme des dispositifs de communication faisant partie intégrante de ces contenus. « Lorsqu’il atteint le sommet de son perfectionnement technique, le médium se mue en des formes nouvelles qui, parfois, sont à l’opposé de celles qu’il avait en cours de développement ».

D’une plateforme de publication de contenus, Twitter se transforme en système de recommandation, voire de réputation.Au travers d’applications, les chaines de télévision ou les producteurs de contenus vont intégrer au sein des programmes toute une batterie d’indicateurs quantitatifs (thermomètres, baromètres, potentiomètres, … ) visant à indiquer aux téléspectateurs l’intérêt porté à une émission, à l’un de ses sujets ou de ses participants. En figure de proue de cette logique du chiffre très cartésienne censée dévoiler un « moment de vérité » mais qui occulte clairement l’interprétation qualitative du contenu, on voit émerger un nouveau genre de guide TV partant du constat que la consommation du contenu se fait de manière tabulaire, avec une lecture simultanée de plusieurs écrans. TweetTV est un site web qui présente une grille de lecture des programmes du jour en fonction du volume de tweets par seconde censé représenter leurs cotes de popularité respectives. De même, sur l’application mobile « Programme TV d’Orange », on retrouvera cette injonction à la consultation d’une émission en fonction de son activité « sociale ». Twitter se fait aussi l’extension du contenu ; une extension de l’histoire tentant de compenser une perte ou un manque, à l’instar du « live tweet » et des hashtags de suivi d’un événement. Si pour une petite frange d’utilisateurs « technophiles » et férus de Twitter, l’interprétation de ce marqueur sera celle d’une expérience partagée créant un sentiment de solidarité entre les spectateurs avec la possibilité offerte de commenter l’événement « en direct », pour les non-utilisateurs de Twitter et « spectateurs retardataires », il s’agira pour eux d’un dispositif compensatoire. Il s’agit pour les producteurs de dédommager ce public de ce qu’il perd en n’assistant pas directement à l’événement en les tirant vers la fiction voire la transposition de l’événement sur un autre canal.
tweet-tv

La télévision moderne a toujours été imprégnée de cette logique du chiffre avec ses mesures d’audience. Néanmoins, il est intéressant de constater que ces indicateurs étaient jusqu’alors connu du « grand public » qu’au lendemain de la diffusion d’une émission, car ces chiffres n’étaient destinés qu’aux producteurs / diffuseurs. Ces dispositifs s’ancrent dans un imaginaire profondément rétrograde qui positionne Twitter comme l’institut de mesure d’audience en temps réel à destination du spectateur dupé qui se laisse guider par le compteur sans aucune force de volonté. Le réseau social a compris sa force en tant que plateforme d’applications à destination des producteurs de contenus télévisuels et multiplie les annonces à ce sujet : un partenariat avec Nielsen, un guide à l’attention des producteurs ou encore de nombreuses études de cas publiées sur son blog officiel…

Le sujet est passionnant et mériterait une analyse bien plus profonde des mutations de ces deux médias car les intérêts respectifs de ces acteurs sont relativement clairs. Pour la télévision dont l’audience des émissions est en berne, Twitter représente  un levier notable pour générer des revenus en rendant « interactifs » leurs contenus et séduire des annonceurs avec des dispositifs publicitaires garantissant une audience plus réactive et mieux ciblée (ex : Mercedes proposait récemment de voter pour une fin alternative de son spot publicitaire à l’aide d’un hashtag). Tandis que de l’autre côté, Twitter voit probablement les grands diffuseurs comme un formidable moyen de venir enrichir sa plateforme en contenus et son écosystème d’applications, là aussi pour générer des revenus supplémentaires au travers de son offre publicitaire.

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