Twitter a annoncé son intention d’entrer en bourse de manière formelle via sa plateforme, en précisant que la société profitait d’une loi américaine lui permettant de ne pas divulguer, pour l’instant, sa situation financière, son chiffre d’affaires étant inférieur à un milliard de dollars. L’entreprise devra néanmoins s’acquitter de cette tâche au moins 21 jours avant d’entamer sa tournée auprès d’investisseurs ; nous connaitrons alors mieux en détails sa santé financière et ses capacités à intéresser le marché. Pour l’instant, on peut simplement espérer que cette procédure, assez opaque de prime abord, ne déçoive pas de potentiels investisseurs qui y verraient un manque de transparence.
Si l’entrée en bourse de Facebook fut décevante il y a plus d’un an (17 mai 2012), le marché semble aujourd’hui plus réceptif à la capitalisation boursière de réseaux sociaux, dont les modèles d’affaires sont basés sur la publicité. Ces plateformes ne représentent plus un effet de mode et Facebook a su convaincre les investisseurs par sa capacité à dégager des revenus. Les efforts de la société de Mark Zuckerberg se sont concentrés principalement dans le lancement de nouveaux produits dédiés à l’usage mobile au cours de l’année passée (nouvelles applications, nouveaux formats publicitaires, etc.) jusqu’au redressement de son cours de bourse. Ainsi, l’annonce de Twitter semble presque opportuniste alors qu’elle était fortement attendue. Twitter est un réseau majoritairement poussé par des usages mobiles en pleine croissance et, contrairement à Facebook, cette plateforme a été initialement conçue dès 2006 pour tirer parti des technologies mobiles (SMS) et proposer un modèle de communication novateur désormais largement adopté. Les enjeux pour Twitter seront probablement similaires : Twitter doit gagner la bataille de l’attention auprès de ses utilisateurs. Si Twitter a réussi le pari de constituer un service extrêmement actif, regroupant des millions d’usagers publiant des messages quotidiennement, il faut que cette masse d’information représente un intérêt au regard des annonceurs qui, eux, rendent profitable la plateforme. Par conséquent, le développement d’une offre publicitaire à succès en consolidant son assise sur l’ensemble des écrans (PC / Mobile / TV) permettrait à Twitter de séduire les investisseurs. Les récentes annonces et évolutions de la plateforme nous confortent dans cette approche…
Les signes semblent rassurants de la bonne santé du réseau social, désormais solidement implanté dans le paysage numérique. Certains analystes n’hésitent pas à valoriser Twitter à plus de dix milliards de dollars. Pourtant, le modèle de Twitter, basé sur la publicité, est profitable mais ne dégage pas encore des revenus aussi importants. Différentes sources évaluent les recettes de l’entreprise à un peu moins de 600 millions de dollars, mais espèrent les voir doubler d’ici l’an prochain. Ces « faibles » recettes s’expliquent par une volonté de la société de monétiser tardivement son service. L’entreprise s’est concentrée dans un premier temps sur la construction d’une plateforme fonctionnelle. C’est seulement depuis 2010 que Twitter a commencé à générer des revenus à l’aide d’une régie de publicité ciblée et la vente d’accès direct à son flux de contenus. Twitter a d’abord développé ce modèle publicitaire auprès des grands annonceurs avec un coût d’entrée très élevé avant de l’ouvrir progressivement à des budgets plus modestes. Twitter fait évoluer son offre publicitaire dans plusieurs directions ; à la fois dans un mouvement d’ouverture en faisant baisser la barrière à l’entrée (disponible désormais pour les particuliers et les PME), par un renforcement des critères de ciblages (géolocalisation, centres d’intérêts) et par l’extension à de nouveaux supports. Twitter s’est d’ailleurs trouvé un allié de taille, la télévision, et tente d’innover en lien avec les producteurs et les diffuseurs pour devenir un service complémentaire d’une consommation médiatique bien établie.
Cependant, Twitter va devoir continuer à innover. Si l’on schématise, les maillons faibles de la chaine de création de valeur d’un réseau social généraliste résident dans sa capacité à acquérir des utilisateurs et dans la production de contenus par ces derniers, afin de générer des effets de réseaux qui seront bénéfiques au modèle dans son entier. Plus j’ai d’utilisateurs, plus j’ai de contenus et inversement. Tout comme Facebook, Twitter a su démontrer l’efficacité de son modèle de communication en acquérant plus de 200 millions de membres réguliers qui génèrent plus d’un milliard de tweets tous les deux jours et demi. La stratégie de Twitter à moyen terme est donc facilement compréhensible. Il s’agit dans un premier temps de renforcer sa base d’utilisateurs existante, avec des objectifs quantitatifs venant concurrencer directement le réseau Facebook, en développant l’accès à son service, tous supports confondus. Twitter devrait aussi continuer à innover en créant une infrastructure propre à maintenir sa croissance organique ainsi que par le biais d’acquisitions, en veillant à ne pas effrayer le marché. Twitter a effectué une vingtaine d’acquisitions d’entreprises depuis 2008, notamment dans les domaines de la recherche sociale (Summize – 2008, Mixer Labs – 2009 ; Julpan – 2011), de la publication (Atebits – 2010 ; Tweetdeck – 2011 ; Posterous – 2012), de la publicité (AdGrok – 2011 ; MoPub – 2013) du mobile (Cloudhopper – 2010 ; Whiper Systems – 2011) et des outils statistiques (Backtype – 2012 ; Trendrr – 2013). Enfin, à plus long terme, Twitter explorera probablement avec précautions de nouveaux modèles de monétisation, tout comme l’entreprise l’a initié depuis trois ans, avec un enjeu relatif à son moteur de recherche qui permet d’accéder à l’une des bases de données de contenus les plus large du web.